samedi 13 août 2011

Arabe coca-cola

Comme vu, lors de notre première leçon, le mot cinéma se dit en arabe سِينِماَءِ (sīnimā’i), soit ce qu'on appelle un "emprunt". Exemple d'emprunt inverse, du français à l'arabe : café qui vient de قَهْوَة qahwaʰ, transmis au turc sous la forme qahve et passé en français par l’italien, retrace Wikipédia.

Cette proximité (pour cinéma) est ironiquement nommée "arabe coca-cola" par des enseignants d'arabe, spécialistes de la didactique de leur discipline, Mahfoud Boudaakkar, Sylvie Dechanciaux, Aïcha Marmouset et Ahmed Zaari-Lambarki, auteurs de l'article "L'arabe, une langue qui vit" et publié en novembre 2002 dans le n°19 de la revue Midad (مِدَاد = encre).
Sous le sous-titre "Arabe et modernité : une langue d’une étonnante vitalité", les auteurs expliquent :

"Dans le tourbillon de la modernité où la production de néologismes doit coller au plus près aux inventions technologiques, l’arabe – n’en déplaise à certains ! – fait preuve d’une étonnante vitalité.
On entend encore dire que l’enseignement des sciences ne peut se faire en arabe. Mais la réalité n’est pas linguistique, elle est scientifique : les investissements scientifiques lourds ne sont
pas à l’ordre du jour dans le monde arabe [sic]. En revanche, le « software » s’y porte bien et il n’y a rien d’étonnant à ce que l’on puisse dire en arabe « cliquer, zapper, surfer, chatter… ». Le monde
arabe est contraint à un véritable ijtihâd linguistique [اِجْتِهاد, effort de réflexion].
L’absence d’une académie arabe unifiée fait que la langue évolue en ordre dispersé. Schématiquement, on peut distinguer, dans ce processus qui s’appuie sur les médias, un courant oriental qui s’inspire essentiellement de l’anglais et un courant maghrébin, qui s’inspire surtout du français. Ces deux
courants sont partagés entre différentes « écoles ».

« L’arabe coca-cola »
C’est la solution de facilité, qui consiste à prendre le terme anglais ou français tel quel, en se contentant de le transcrire. [les auteurs citent les emprunts suivants, notamment : scénario, décor, maquillage, protocole, technologie] :
تكنولوخيا، تكنولوجي، بروتوكول، ماكياج، ديكور، سيناري
Mais déchiffrer des mots étrangers transcrits en arabe est souvent une aventure. On n’est pas toujours certain de retrouver
la version originale, et la transparence n’est pas garantie ! (…)

La dérivation « High tech »
Une deuxième école, plus « puriste », cherche dans les racines arabes le terme le plus approprié, le plie aux structures propres de la langue, pour en sortir un mot nouveau, « authentiquement » arabe. (…)
Une troisième tendance, à la fois exigeante et astucieuse (et qui semble faire école !) recherche des racines arabes, mais privilégie celles qui ont une consonance proche du terme français
ou anglo-saxon que l’on veut traduire. (…)
Enfin, une quatrième école ne rechigne pas à emprunter des termes occidentaux à condition de les arabiser réellement. On lui doit quelques mots à succès qui font aujourd’hui l’unanimité dans le monde
arabe : تلفزة (télévision), تلفاز (poste de télévision, qui rime avec جهاز) ou رسكلة (recyclage)."

Liens documentaires : 
  • la revue Midad, dont tous les numéros sont en ligne sur le site du CRDP de l'académie de Paris (jusqu'en 2008) ;
  • la rubrique Quoi de neuf en arabe ? du CRDP d'Alsace ;
  • le site Langue et culture arabes, du ministère de l'éducation nationale.

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